Au début d’août, je pensais commencer ce billet en écrivant ceci :   Barcelone capitale mondiale du design reste inachevée, et c’est fort heureux. On dit que ce sera la fin des temps le jour où la célèbre cathédrale catalane sera terminée!  Comme dans tous les édifices de Gaudi, des formes organiques s’insinuent, se superposent et s’imposent. On a le sentiment que toute tentative d’explication trahirait la merveilleuse complexité du réel.  Et l’extension même du métro de Barcelone qui menace la pérennité du construit de la Sagrada Familia est ce même métro qui permet à la ville de mieux respirer, à ses habitants de sentir que toute la ville leur appartient, et à ses anciens quartiers industriels de se réinventer pour le 21e siècle.

Un mois plus tard, je retiens surtout qu’il est urgent de repenser les quartiers de nos villes afin de les rendre plus vivants, plus créatifs et plus productifs…Du 2 au 8 juillet 2014, la conférence internationale FAB10 Barcelona a permis d’apprécier l’engagement de Vicente Guallart, architecte en chef de Barcelone, à faire de sa ville un véritable laboratoire de stratégies pour développer son auto-suffisance, en passant d’un fablab à une fabcity. Le projet de transformation urbaine, économique et sociale @22Barcelona dans le district industriel traditionnel Poblenou vise à stimuler la création locale de richesse et qualité de vie en misant sur l’intégration astucieuse du patrimoine, de l’innovation de pointe et de la collaboration locale et internationale.

Une fabcity est une ville composée de quartiers qui subviennent en grande partie aux besoins de consommation et d’alimentation de ses citoyennes et citoyens et qui ne produit pas d’émission de gaz à effet de serre (GES). Cela passerait par l’émergence de fablabs spécialisés, publics et privés, pour fabriquer n’inporte quoi ou presque selon les secteurs d’activités et de consommation, dans chaque district de la ville, comme le propose la vision Barcelona 5.0 du directeur Tomas Diaz de Fab Lab Barcelona. Dans un fabcity, il y a des communautés de fabricants numériques qui ont été formés dans les écoles de la ville. L’innovation à l’ère numérique se fait partout, pas seulement dans les centres de recherche et les universités.

Et c’est déjà bien lancé à Barcelone! Le fablab Ateneu de Fabricacio Los Corts situé dans un quartier industriel de Barcelone est le premier fablab public qu’ait appuyé le Conseil municipal de la ville. Il opère en collaboration avec une centaine d’organismes  locaux qui y offrent des programmes éducatifs, d’innovation sociale et de développement à l’intention des enfants, des familles et des personnes avec des handicaps. En revanche Fablab BCN est un centre de production, de recherche et d’éducation qui est associé à l’Institute for Advanced Architecture of Catalonia et qui utilise la conception assistée par ordinateur pour la création de prototypes et de maquettes en architecture, construction et design industriel. Pour sa part, le FabCafe Barcelona est une initiative privée installée dans un café accouplé à un grand espace coworking. Comme le BeachLab de Sitges, il fait partie du réseau FabCafe japonais. Enfin le Made Makerspace Barcelona combine espace coworking et compte une cinquantaine de membres. Tous les modèles sont possibles.

Le livre de Guallart, « The Self-Sufficient City : Internet has changed our lives but it hasn’t changed our cities, yet« , reprend les indicateurs d’auto-suffisance de Neil Gershenfeld du Center for Bits and Atoms du Massachussets Institute of Technology (MIT) : une ville auto-suffisante devrait produire 50% de sa nourriture, 50% de ses biens de consommation et 100% de son énergie.  Les grandes villes qui croissent en mode PITO (« Product In, Trash Out ») doivent convertir leur croissance en DIDO (« Data In, Data Out »).  Le 7 juillet dernier, le Maire de Barcelone a mis en marche le décompte de l’horloge pour mettre Barcelone sur une trajectoire d’auto-suffisance d’ici 40 ans (2054).  Neil Gershenfeld espère que 100 autres villes lui emboîteront le pas.